J’aurais pu tout aussi bien intituler cette chronique : « New Morning, old musicians » mais c’était trop facile. Mais où veut il en venir doit-on se demander. Foin de mystère, j’évoque simplement le « Festival All Stars » programmé du 27 Juin au 3 Août au NEW MORNING à Paris, célèbre établissement fêtant, cette année, ses 35 ans. A l’occasion de cet évènement, il était annoncé la présence de grandes figures du jazz… d’hier. Alors que le Président François HOLLANDE n’avait pas encore annoncé la création de la Garde Nationale, le NEW MORNING avait, lui, battu le rappel des vétérans tels que Randy WESTON, 90 ans, Abdullah IBRAHIM, 82 ans, Roy AYERS et Pharoah SANDERS, 76 ans, et John ABERCROMBIE, 72 ans.
Non, je ne vous parle pas d’un congrès de gérontologie mais bien d’un festival avec des têtes d’affiche connues et reconnues. Sans vouloir faire de procès d’intention, la programmation m’a fait penser à cette recette qui a la vie dure et qui consiste à faire du neuf avec du vieux. Cela marche encore pour attirer le public même si les concerts des « anciens » génèrent trop souvent de la déception, du moins chez les amateurs de jazz purs et durs. Toutes ces considérations ne m’ont pas empêché d’aller écouter des artistes éveillant en moi des souvenirs remontant aux années 70 – 80. Ah ! Nostalgie quand tu nous tiens !
Le lundi 18 Juillet, c’est l’organiste Dr Lonnie SMITH qui se produisait en sextet. J’ai découvert ce musicien au début des années 70 avec son premier album enregistré en leader chez Blue Note et intitulé « THINK ». A l’époque il ne portait pas de turban. Le temps a passé. Son jazz funky a perdu de son éclat sans doute en raison de la présence, ce soir-là, d’un saxophoniste et d’un trompettiste plutôt ternes. Je suis parti à la fin de la première partie. Bof !
Le mercredi 20 Juillet, c’était Marc RIBOT and the Young Philadelphians à l’affiche. Cet extraordinaire guitariste, un gamin de 62 ans, qui a attiré mon attention pour la première fois dans les années 90, était accompagné de deux « vieux routiers » (tout est relatif), le bassiste Jamaladeen TACUMA et le batteur Grant Calvin WESTON, de la jeune et prodigieuse guitariste Mary HALVORSON, et d’une section de cordes de haut vol composée de deux violons et d’un violoncelle. Marc RIBOT et ses complices ont proposé une relecture énergique et originale d’un répertoire funk et soul d’autrefois (hihihi) comprenant notamment des thèmes du célèbre « Philly Sound ». Retour vers le passé ! Un concert tout simplement époustouflant. Jouissif quoi ! Je ne peux que vous recommander l’acquisition du CD de Marc RIBOT and the Young Philadelphians – Live in Tokyo. Vous m’en direz des nouvelles.
Le mardi 26 Juillet, c’était au tour du brillant saxophoniste Bill EVANS, chantre du jazz fusion, de passer sur scène. J’ai entendu ce musicien âgé aujourd’hui de 58 ans pour la première fois en « live », au Théâtre du Chatelet, au début des années 80 avec Miles DAVIS. Il était annoncé avec un complice de cette époque, le guitariste Mike STERN. Hélas ce dernier a été victime d’un accident à New York peu de temps avant le démarrage de la tournée. Son remplaçant, Bryan BAKER, annoncé comme un monstre de la guitare, ayant fini par me lasser avec ses numéros de virtuosité tout comme le batteur au jeu « fracassant », je n’ai tenu qu’un set. Et pourtant il y avait aussi le bassiste Darryl JONES (Miles DAVIS, STING) !
Le jeudi 28 Juillet, c’est le vibraphoniste Roy AYERS, un des musiciens les plus samplés, qui était en concert. Quand l’ai-je entendu pour la première fois ? Cela remonte au début des années 70 avec l’album culte du flûtiste Herbie Mann : « Memphis Underground ». Cela ne me rajeunit pas me fait-on remarquer. Dans une salle archicomble, Roy AYERS a fait le métier, un ton en dessous, à mon goût, par rapport à son concert donné en 2012 au Cabaret Sauvage dans le cadre de Jazz à la Villette. Cette fois-ci, notre « légende » a fourni une prestation sans surprise et sans étincelles, laissant la part belle à ses musiciens. Pour moi ce fut du « groove au kilomètre » si vous saisissez l’image. On aurait pu écouter cette musique, sans la présence du maître, par la grâce d’un DJ de talent comme Etienne Née Dupuy qui officie d’ailleurs depuis quelques temps au New Morning.
Globalement les « anciens » m’auront inspiré un doute certain sur l’opportunité d’assister à leurs concerts. Je me consolerai en écoutant leurs « vieux albums ».
Les amateurs inconditionnels de légendes d’un autre âge en trouveront dans la programmation du prochain festival « Jazz à la Villette » qui aura lieu du 30 Août au 11 Septembre, avec, entre autres, Ernest RANGLIN, 84 ans, Archie SHEPP (un habitué de l’évènement), 79 ans, Mac Coy TYNER, 78 ans, Chick COREA et Chucho VALDES, 75 ans. Est-ce que je deviendrais « gérontophobe ».
Ne devrait-on pas suggérer aux organisateurs de ces deux festivals de les programmer en fin d’année, histoire de nous présenter leurs meilleurs vieux !
Votre dévoué et vieillissant chroniqueur préféré.
Olivier BENIZEAU