Jeudi 9 Novembre, au Triton, c’était « Rock en scène ». Cet établissement accueillait le groupe américain « QUI » comprenant notamment le « célébrissime » bassiste, Trevor Dunn, précédé en première partie par « We insist », formation française considérée comme une figure marquante de l’underground hexagonal. Entre nous, je ne connaissais aucun des deux groupes.
M’étant placé au premier rang, j’en ai eu plein les oreilles, à croire que je voulais tester la résistance de mes tympans ou la fiabilité de mes prothèses auditives. « Ne dites pas à mon audioprothésiste ni à mon otorhino que je vais écouter du « lourd », ils me croient abonné à une loge de l’Opéra » !
«We insist » qui n’a rien à voir avec l’album légendaire de Max Roach paru en 1960, est un trio de « rock alternatif » de plus de vingt ans d’âge, vieux compagnon de route du Triton, formé actuellement d’Etienne Guillochet, batterie, chant, d’Éric Martin, guitare, chant et de Julien Divisia ; basse, chant. La musique jouée par nos trois compères, reposant sur une « surintensité » sonore, et portée par l’hyper énergique batteur-chanteur, est, à de rares moments, mélodique et à d’autres, un mélange « brutal » de rock, de métal, de punk, d’avant-garde voire de psychédélisme. A la fin de ce set qui a ravi un public de connaisseurs, j’ai eu l’impression d’avoir reçu un uppercut en « pleine poire ». Pour les amateurs qui n’étaient pas dans la salle, le dernier album du groupe, sorti en septembre dernier, s’appelle « Wax and Wane ». Je ne sais pas si les bouchons d’oreille sont fournis avec cet opus.
Ensuite c’était QUI pour reprendre la bonne blague d’Éric Guillochet. Je dois préciser que j’étais venu écouter ce groupe américain, créé en 2000, en raison de la présence de Trevor Dunn, bassiste connu, entre autres, pour faire partie de « l’univers» de John Zorn. Là aussi il s’agissait d’un trio comprenant, outre le musicien déjà cité, les deux membres fondateurs ; Matt Cronk, guitare, voix, et Paul Christensen, batterie, claviers et voix. Si le niveau sonore n’a rien eu à envier à celui du groupe précédent, la musique s’est révélée plus variée tant instrumentalement que vocalement, portée par des sonorités pop-rock, punk, rock expérimental. La présence de la contrebasse dans la première moitié du set a ajouté une note d’originalité à l’ensemble. Dans la seconde moitié, Trevor Dunn a « enfourché » la basse électrique avec le même bonheur qu’avec son instrument acoustique. On a assisté, à un moment donné, à des « recherches de sons » plus spectaculaires qu’enrichissantes, le guitariste venant frotter ses cordes sur une cymbale et ensuite, le bassiste se livrant à un frottement de cordes entre sa basse électrique et sa contrebasse. Dans la dernière partie du concert, Matt Cronk, ayant délaissé sa guitare pour le chant, s’est livré à des effets vocaux faisant penser à Mike Patton connu des initiés comme compagnon de Trevor Dunn et de John Zorn. Hasard ou coïncidence ? Je suis sorti de la salle dans un état proche de l’hallucination. Comme dirait la rédac ’chef, ce n’est plus de mon âge !
Ayant retrouvé mes esprits, je suis allé vendredi 10 Novembre à l’Atelier du Plateau pour écouter le quartet du violoniste Dominique Pifarély, comprenant Antonin Rayon, piano, Bruno Chevillon, contrebasse et François Merville, batterie. Que du beau monde ! Comme vous l’aurez remarqué, pour des raisons aisément compréhensibles, j‘évite d’employer l’expression « musiciens haut de gamme » !
Avec ses compagnons, le leader a joué une musique alternant liberté et contraintes, soli et échanges à deux ou trois, et proposant, avec sophistication, une grande variété stylistique. Que du bonheur ! En l’absence de scénographie spectaculaire, le répertoire interprété a retenu à lui seul toute l’attention de l’auditoire. Comme à son habitude, Dominique Pifarély s’est exprimé avec élégance, rigueur et sobriété. Les autres membres du quartet n’ont pas été en reste si bien que nous avons assisté à un concert tout à fait enthousiasmant. Un album de ce groupe, intitulé « Tracé Provisoire » est paru chez ECM et je vous le recommande chaudement.
Vous aurez compris, du moins je l’espère, le sens du titre de cette chronique. A bientôt.
Olivier BENIZEAU