Oui, je sais, ce n’est pas le genre de titre qui aurait plu à M. TOUBON du temps où il exerçait les fonctions de Ministre de la Culture et de la Francophonie (1993 – 1995) et où il s’érigeait en pourfendeur du franglais. Peut-être va-t-il se plaindre maintenant qu’il est « Défenseur des droits » ? On ne rit pas, s’il vous plaît !
Avant de vous narrer mon dernier voyage musical, je tiens à exprimer l’agacement que suscite en moi le comportement de « resquilleur » d’un groupe de personnes d’un certain âge ou d’un âge certain que l’on retrouve, à chaque concert du Paris Jazz Festival se tenant à l’espace Delta, lors de la formation de la file d’attente. Je vous épargne la description du mode opératoire. Outre leur incivilité et leur impolitesse, ces personnes croient bon, une fois installées à proximité de la scène, de nous infliger leur manque de discrétion et leurs « gesticulations » avant, pendant et même parfois après la prestation des artistes. Il m’a d’ailleurs semblé que je n’étais pas le seul à être agacé par ces agissements, au mieux désolants, au pire pathétiques. Et moi, naïf, qui crois encore au bien-fondé du proverbe populaire : « La musique adoucit les mœurs. »
Revenons à la musique. Le Jeudi 23 Juillet, dans le cadre du « Black Summer Festival » se tenant au Cabaret Sauvage, Parc de la Villette à Paris (19ème), s’est produit le chef de file de l’éthio-jazz des années 70 avec Mulatu Astatke, avant la censure imposée par « l’inoubliable » MENGISTU, je veux parler évidemment du chanteur éthiopien Mahmoud AHMED, 74 ans, accompagné à cette occasion par l’excellent groupe français « Badume’sBand ». Nous avons eu droit à une musique incandescente dans une ambiance chaleureuse impulsée par le public, enthousiaste, au sein duquel se trouvaient de nombreux compatriotes de l’artiste, du « Maître » devrais-je dire. Mahmoud AHMED, débordant d’énergie et de joie, a reçu une immense ovation et il a offert, en retour, un rappel au rythme endiablé. Une soirée absolument immanquable !
Avant la « fête éthiopienne », en première partie, c’est le groupe shanghaïen « Soundscape », au profil international, né en 2010, qui s’est produit et qui nous a invités à un voyage « sonore » menant de la Chine à l’Inde, en passant par la Pakistan et le Tibet, avec un détour par le Maghreb. Quel périple ! Ce groupe comprend sept membres de sept nationalités différentes et il utilise des instruments traditionnels de diverses origines comme l’erhu, le digeridoo, l’harmonium indien, la saz et tant d’autres. Concert étonnant et très agréable.
J’ai quitté Shanghai et Addis Abeba pour me rendre, le samedi 25 Juillet, aux Etats-Unis, plus exactement au Paris Jazz Festival qui proposait pour son dernier week-end, le numéro 8, le thème « Paris Universel ». En cette avant-dernière journée, c’était le quintette à vent afro américain « IMANI Winds » qui se produisait à l’Espace Delta. Ce groupe de renommée internationale, créé en 1997 à l’initiative de la flûtiste Valérie COLEMAN, originaire de Louisville – Kentucky, comprend Mariam ADAM, native de Monterey – Californie, à la clarinette, Monica ELLIS, née à PITTSBURG – Pennsylvanie, au basson, Toyin SPELLMAN-DIAZ, de Washington DC, au hautbois, et Jeff SCOTT de New-York, au cor. Un homme seul au milieu de quatre femmes, il ne manque pas de souffle !
Ces cinq artistes ont interprété leurs propres compositions, proposant aussi un détour par la Méditerranée, fruit de leur collaboration avec l’oudiste Simon SHAHEEN, ainsi qu’une magnifique « envolée klezmer ». Ils ont également joué, comme annoncé dans le programme, des pièces spécialement écrites pour leur ensemble par Jason MORAN, Paquito D’RIVERA et Wayne SHORTER, excusez du peu, et que l’on peut retrouver dans leur dernier album « Terra Incognita ». Ce concert de très haute qualité, présenté comme un pont avec le festival classique commençant début Août au même endroit, s’est terminé par un rappel « coltranien » du meilleur effet. En tous les cas cette prestation aura apporté la preuve, une fois encore, qu’en musique il est possible de s’affranchir des frontières stylistiques. Merci Mesdames, merci Monsieur.
Je n’ai pas pu assister au second concert programmé sur la barge à Jazz, avec Stracho TEMELKOVSKI car je devais me rendre en Egypte, via Pantin (93) et la Dynamo des Banlieues Bleues où, dans le cadre de « Paris Quartier d’été », deux artistes libanais réputés, le hip-hoppiste Rayess BEK et la vidéaste Randa MIRZA dite LA MIRZA proposaient un ciné-concert sous le titre « Love and Revenge ». Pauvre M. TOUBON ! Cette manifestation, gratuite et sur réservation, a attiré un public nombreux. Notre duo, accompagné de l’oudiste virtuose Mehdi HADDAB et du bassiste et claviériste de renom Julien PERRAUDEAU, a proposé une soirée musicale « électro » à regarder, festive, avec la projection d’extraits de l’âge d’or du cinéma égyptien, certes « kitsch » mais empreints d’audace, d’émotion, de fantaisie et d’humour. De nos jours, certaines scènes pourraient valoir la décapitation à leurs auteurs ! C’était la fin de saison pour la Dynamo qui proposera à la rentrée un programme du « feu de Dieu ». Je ne vous en dis pas plus. En attendant, bravo et merci à Xavier LEMETTRE et à toute l’équipe de Banlieues Bleues pour l’excellente programmation proposée depuis Janvier.
Le dimanche 26 Juillet, retour au parc floral pour la dernière journée de la 22ème édition du Paris Jazz Festival se déroulant à l’Espace Delta et divisée en deux parties, l’une dans l’après-midi et l’autre en début de soirée faisant office de concert de clôture.
Le temps extrêmement venteux de la veille, sans rapport avec « IMANI Winds », a cédé sa place à une pluie ininterrompue, diluvienne diront certains, en ce dimanche après-midi mais il en aurait fallu plus pour décourager les amoureux du jazz, y compris les « vieux chiants » (tiens ça me reprend !). La première partie donnait l’occasion d’entendre le trio de Laurent COULONDRE dans le cadre de l’opération « Talents Jazz ADAMI ». Lauréat 2015 de cette opération, le pianiste et organiste Laurent COULONDRE, né en 1989, était accompagné de ses deux partenaires habituels et indispensables, au jeu précis et pertinent, Rémi BOUYSSIERE, basse et contrebasse, et papa depuis un mois, et Martin WANGERMÉE, batterie. Ce trio révélant une interaction, une cohésion et une complicité remarquables, a joué une musique débridée et d’une grande qualité d’écriture. Laurent COULONDRE, praticien énergique de l’orgue Hammond, s’est aussi manifesté par une communication cordiale, teintée d’humour, avec le public. Ce concert de jazz moderne original a captivé l’auditoire de bout en bout. Le rappel portait le titre de « Schizophrenia », déjà utilisé par Wayne SHORTER. Décidément, il a hanté la clôture du festival !
Le festival se terminait donc, avec un temps plus clément mais frais (une brève apparition du soleil a été saluée par une standing ovation ! Pourquoi pas ?), par le projet « Eternité » de la talentueuse trompettiste Airelle BESSON. Ca frise le pléonasme dans son cas. L’écriture de cette œuvre remonte à 2003 lors d’un master class donné dans l’Ouest du Canada, sur une suggestion de Dave DOUGLAS, autre trompettiste de grand talent. Créée en début d’année à Coutances (50) avec la grande organiste Rhoda SCOTT, « Eternité » qui constituait aussi un pont avec la programmation classique du mois d’août au Parc Floral, nous a été interprétée, toujours avec le concours de l’organiste aux « pieds nus » (c’est juste un clin d’œil familial), dans une autre dimension avec la présence d’un de mes guitaristes préférés, Pierre DURAND, et du batteur François LAIZEAU, ainsi que du chœur « Intermezzo ». Avec la « triple casquette » de compositrice, d’interprète et de chef d’orchestre, Airelle BESSON nous a donc conviés à écouter une musique variée d’une grande beauté et d’une grande pureté. Pour résumer, une merveille. On me souffle qu’avec la présence du chœur, j’aurais pu employer le mot « Enchantement ». Pourquoi pas ?
En attendant la 23ème édition, il est temps de féliciter et de remercier Pierrette DEVINEAU et Sébastian DANCHIN, organisateurs du festival, pour l’éclectisme et la qualité de l’édition qui vient de s’achever.
Je suis reparti « frigorifié » mais le cœur chaud. Allez, vite mes gouttes ! A bientôt, peut-être.
Olivier BENIZEAU